Syrah: le choc des hémisphères

13 décembre 2013 0 Par CyrilBasco

Cela devait finir par arriver. A force de travailler tous les jours avec des chercheurs étrangers dans son labo, on finit par se lier d’amitié, surtout quand ou parce-qu’on partage une passion pour le vin. Evidemment quand ces mêmes étrangers sont originaires d’anciennes colonies Européennes qui ont peuplé de leur repris de justice et autres renégats de la société ces terres impropres au développement de la culture européenne, l’arrogance française ne tarde pas à faire surface pour proposer de confronter leur ersatz de vins avec le sublime produit vinicole de nos terroirs.

Donc avec tout le panache qui sied à notre sang qui coule dans nos vignes, nous avions défié les immigrés Australiens des Fines Goules à nous présenter une équipe de trois bouteilles de Shiraz à confronter à un pack de trois Syrah hexagonales.

Dans le plus grand secret, Andrew et Dwayne avait donc errés dans Paris à la recherche de ce trio de kangourous qui auraient survécu au voyage et trouvé refuge chez un caviste traitre à la cause vinicole française.
Hakim, aidé de Cyril et Raf, n’avaient qu’à se promener sereinement et ouvertement entre les stands du dernier salon des Vignerons Indépendants pour choisir les trois flacons qui allaient enfoncer jusqu’aux antipodes que n’auraient jamais dû quitter ces Shiraz. Le Faire-Play n’étant pas notre fort, et surtout pas aux Fines Goules, nous avions glissé parmi nos trois Syrah tricolores une Côte Rôtie que tout amateur de vin même perdu au fin fond du bush connait comme produisant les meilleures Syrah au monde.

P1180395.jpgPour leur faire croire à ces faces de Wombat qu’ils avaient une chance à cette dégustation comparative, nous avons dégusté les vins à l’aveugle, préalablement mis en carafe deux heures avant le début des hostilités. Les vins ont été servis dans un ordre aléatoire déterminé par ce qui se fait de plus innocent en ce vil monde: la main d’une adolescente française. Soyons reconnaissant à cette main et sa propriétaire de n’avoir pas tremblé devant le spectacle d’un kolantha finalement assez éthylique.

La plupart d’entre-nous regagnant son lit soit trainé par sa fille soit transporté par la Régie Autonome des Transports Parisiens, le recrachage n’est pas systématique. Les résultats sont là: il est clair que les perfides australiens ont profité de la charge en alcool de leurs breuvages nationaux pour soudoyer les plus faibles d’entre-nous en les enrôlant sous leur drapeau, la langue que j’espère aussi lourde que leur conscience après avoir réaliser leurs errements. C’est pas joli-joli pour un ancien combattant héroïque de l’anti-France à la Saint-Sylvestre.

J’étais assis à nouveau à côté de Baptiste, ce qui a certainement nui à la subtilité des jugements des vins que j’ai pu retranscrire ci-dessous. Cédrig était sobre comme rarement, ayant été désigné chauffeur pour le voyage du retour. Quelle tristesse que le spectacle d’un breton qui s’empêche de boire et quelle énergie dépensée à élargir notre répertoire ornithologique en sortant des noms d’oiseaux pour baptiser ses voisins d’au-delà des mers comme ses compatriotes de même sang à la teneur en éthanol près.

Un grand moment des Fines Goules, très bavards et hauts en verbe, pas toujours au sujet du vin.
Le résultat du match n’est pas important puisque le France a perdu et que les échantillons conservés finiront par démontrer avec l’évolution des techniques de détection que les joueurs étrangers étaient dopés par des procédés oenologiques.

Les vins dans l’ordre aléatoire de la dégustation (à l’aveugle). Les observations que j’ai pu entendre et retranscrire sont plus disparates sur les derniers vins. Non pas que votre serviteur ait défailli face à l’assaut alcoolique mais plutôt parce-que les dégustateurs parlaient de moins en moins du vin et de plus en plus d’autres sujets qui j’espère n’auront pas atteints les oreilles de la main de l’adolescente afin de conserver son innocence pour la prochaine séance.

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Nominaris, Mas de CynanqueVin#1 – France – Saint Chinian – Mas de Cynanque – “Nominaris” 2009 – 22€ acheté au salon des Vignerons Indépendants.
Nez sur la douceur: datte, vanille, café, chocolat, cacao, réglisse, abricot sec. Bouche manque de complexité sur le sucre des fruits séchés et la cerise à l’eau de vie. L’alcool plombe la bouche.
Moyenne: 13,7

 

Vin#2 – France – Côte Rôtie – Domaine Duclaux – “La Germine” 2010 – 32€ acheté au domaine. Duclaux, Cote Rotie
Nez herbacé (foin, aneth, oseille). Contraste avec le précédent: pas de sucrosité. Du poivre. Puissance maitrisé.
Se confirmera à la fin de la dégustation, c’est bien le vin le moins lourd de la série = Côte Rôtie
Moyenne: 13

 

 

 

McLaren,CorioleVin#3 – Australie – McLaren Valle – Coriole – Shiraz 2010 – 20€ acheté en caviste parisien.
Nez floral (lavande, schwem-gum à la chlorophylle), fruité (cassis confit). Très court en bouche. Amertume et alcool. Beaucoup le mette sur le même registre que le premier avec plus de finesse.
Moyenne: 12,043

 

Vin#4 – Australie – Adelaide Hills – Petaluma – Shiraz 2010 – 25€ acheté en caviste parisien. Adelaides Hills, Petaluma
Nez un poil de cheval. L’acidité lui donne de la fraicheur. Le fruit ressort mieux. Plus long et agréable. Moins d’impression d’alcool ou de sucrosité et plus de soyeux.
Moyenne: 14,25

 

 

 

 

Cotes du Rhone, Saint LucVin#5 – France – Côtes du Rhône Villages – Domaine Saint Luc “L’escale Sérine” 2007 – 10€ acheté au salon des Vignerons Indépendants
”Pas mal” (la qualité des commentaires marque un pallier de décompression). Nez de fumier pour beaucoup. Jus de raisin avec son astringence. Acidulé très fort. De la pomme.
Moyenne: 12

 

Vin#6 – Australie – Barossa – St Hallett “Faith” shiraz 2008 – 15€ acheté en caviste parisien. Barossa, St Hallett
Boisé, cacao, herbacé. Compromis extraordinaire entre la puissance et la tension.
Je réalise avec Baptiste qui lance un débat sur la diversité du nombre de branches des étoiles du drapeau australiens que nous avons perdu une partie des dégustateurs.
Moyenne: 16,6. Significativement plus haute que les 5 autres notes.

 

 

 

 

Même si un peu de mauvaise fois peut transpirer derrière certains mots, les chiffres sont francs: les Shiraz l’ont remporté sur les Syrah.

Barossa, St Hallett, Faith

La talent d’or du match est l’australienne la moins chère et se détache sans conteste des cinq autres bouteilles. L’équipe des kangourous nous met plus d’un point dans la vue (moyenne australienne de 14,26 contre 12,90 pour les bleus), et leurs vins sont un peu moins chers (60€ pour leur trois flacons contre 64€ pour les fleurons français).

Pour les amateurs de données, nos notes ne permettent pas vraiment de ranger les vins par pays.

Hakim reste notre champion de dégustation avec la bonne attribution des 6 bouteilles à leur pays.

Les gouts des dégustateurs ne permettent pas non plus de les ranger par origine géographique. On voit bien par contre que nos jeunes amateurs de Shiraz se distinguent du groupe.